Une histoire de famille, de passion et d’amitié
1968, 2015, 2016 et 2021, quatre dates qui marquent cette sympathique histoire de fratrie et d’amitié. Elles sont le fondement de la naissance de ce site créé en 2021 par un ami des arts, un ami tout court, Jean-Christophe C. Ce dernier a aussi très amicalement joué le rôle du journaliste artistique un après-midi d’avril 2021 auprès de Pascal et d’Arnaud.
Pascal, si tu devais situer dans le temps cette histoire des frères pastellistes, à quand remonterais-tu ?
En 1968, c’est l’année de naissance d’Arnaud, plus précisément le 30 juin. Durant le mois de juillet, plus âgé de huit ans, j’ai été envoyé chez une tante à Sorbier dans l’Allier afin que notre mère puisse se reposer de sa maternité. Août de la même année, l’aventure débute pour moi sans limites à Varennes-sur-Têche, Jaligny-sur-Besbre et Chavroches. Je découvre la beauté de cette campagne encore préservée des destructions humaines que nous connaissons aujourd’hui. Mon père Daniel, dit «Maxo», m’apprend le monde des insectes, des champignons, des fleurs, des poissons et de l’amitié que l’on peut tisser avec les « pays », comme les gens du crus aiment à se nommer. J’aime dire et écrire aujourd’hui qu’ils sont, avec un immense respect, des braves gens. De 1968 à 1975, j’ai passé les plus belles années de ma vie et mes livres ne font que le démontrer.
Et toi, Arnaud, avec près de 8 années de moins que Pascal, que peux-tu m’en dire ?
Je n’ai fait que grandir sur les traces de mon frère et très rapidement j’ai adoré mes premières années de vacances champêtres. Je dois dire que j’étais curieux de tout et je garde toujours un goût très prononcé pour les rencontres avec la nature sous toutes ses formes. Je suis sans doute un peu plus aventurier que mon frère et mon cœur m’a conduit, le temps des vacances avec ma compagne, vers la Bretagne, source immense d’inspiration pour tous les peintres. La mer, les ciels, les rochers, toutes ces couleurs sont un véritable enchantement. Technicien dans l’âme, tout comme mon père, au-delà de mon métier, j’ai su garder une belle part d’énergie pour la création sous diverses formes.
Concrètement Pascal, on ne devient pas peintre d’un jour à l’autre. Quel a été le déclic ?
Alors que je me baladai aux abords de notre-dame en 1982, j’ai été fasciné par le travail des peintres au couteau tentant de représenter la beauté de cette grande dame malheureusement meurtrie par le feu en avril 2019. Il y a 39 ans, une passion secrète est née en moi malgré une fausse idée : «Je ne saurai jamais peindre !». Mais ce projet a germé lentement au fil du temps. J’ai fait une magnifique rencontre relatée dans l’un de mes ouvrages, ce qui m’a mené vers le chevalet en 1997. Ma citation préférée est celle de Paul Eluard
«Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous».
Mes rencontres avec Mario U., Lorenzo R. et Violette C. ont été génératrices de ma passion pour la peinture. Très vite, j’ai exploité de nombreux médiums : aquarelle, acrylique et huile. Cette dernière a été largement explorée en utilisant le couteau exclusivement ; sans doute un réflexe de mes souvenirs de 1982. La découverte des œuvres de Zao Wou-ki en l’an 2000 m’a propulsé vers le firmament de la Beauté inaccessible. En 2019, au cours de la dernière exposition du maître franco-chinois, au musée d’art moderne de Paris, je suis resté sans voix, pleurant devant une toile gigantesque, offrant l’Irréel, l’Indicible, la Beauté. Zao m’a alors raconté une histoire que seul le cœur sait décrypter.
J’ai le sentiment que tu ne m’as pas tout dit sur ce maître incontesté de la peinture ?
Oui, effectivement, l’histoire ne s’arrête point là. Quelques années auparavant, Arnaud technicien consciencieux s’est rendu au domicile d’un particulier pour effectuer une intervention. Il découvre sur place des œuvres fantastiques dans un immense atelier du XIVème arrondissement où travaille un petit homme asiatique. Il échange avec lui quelques aimables mots, sans plus. Arnaud me relate cette sympathique rencontre et c’est alors que je pense reconnaître le travail de Zao. Quelques semaines ont passé et Arnaud retrouve l’artiste. En quelques phrases prononcées avec son secrétaire, il comprend qu’il a rencontré le maître de l’abstraction. Il relate ma passion pour le maître et, comble de gentillesse, Arnaud repart avec des livres, une dédicace de l’artiste et une invitation au musée de l’Orangerie.
«Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous».
Une fois de plus, la citation avait exprimé toute sa pertinence et sa force. Dès lors, je me suis mis à travailler sans relâche, pour apprendre et découvrir l’immensité du domaine, une galaxie sans fin.
Et pourtant, tu opères un changement de cap radical depuis quelques temps ?
Oui, après de nombreuses années à créer des mondes irréels à l’huile, je retourne en 2015 vers le figuratif, mes premiers amours, la nature, et cette fois-ci, j’opte pour le pastel sec. Matière subtile et complexe, je dévore les livres techniques et multiplie les stages avec les plus grands pastellistes français. Cela ne veut pas dire que j’ai chassé l’abstrait de mon esprit, bien au contraire ! Le traiter au pastel est très difficile et c’est un futur challenge que je relève régulièrement. Il s’en dégage un sentiment indicible de liberté et de surprise et d’aventures que l’on ne soupçonne pas.
Et toi, Arnaud, le maître franco-chinois a-t-il déclenché en toi la passion de la peinture ?
Je ne suis jamais resté insensible au travail du maître Zao Wou-Ki. Je dois dire qu’en première lecture, cela peut sembler très confus. Mais la peinture se vit, se ressent, sans explication a priori rationnelle et je comprends désormais tout l’intérêt de mon frère pour ces œuvres majestueuses. J’appréciais beaucoup le travail de Pascal qui osait poser ses couleurs sur de grandes toiles. L’art m’a toujours attiré et j’ai fait mes premiers pas vers la sculpture sur argile. Pascal m’a proposé de tenter l’expérience « pastel » et j’ai accepté ce pari difficile. Les rôles ont alors été bien définis en 2016 : Pascal sera le professeur et moi l’élève. C’est assez cocasse : situation inversée alors que je donnais dans le passé des conseils du jeu des 64 cases à mon frère. Pascal se lance toujours sur des chemins inconnus avec les bâtonnets de pastel. La discipline est rigoureuse, difficile et seul le travail paie. Son enseignement est très rigoureux et il ne passe rien. Jamais de critique gratuite, infondée. Tout est expliqué avec beaucoup de pédagogie. Je l’ai tout de suite compris et grâce à lui, j’ai obtenu des résultats très honorables.
Pascal, es-tu satisfait du travail de ton frère ?
Il a souffert, le pauvre, sous mes corrections incessantes. C’est un excellent élève qui a dépassé ce statut. C’est désormais un peintre libre et confirmé. Je suis fier d’avoir connu la consécration de mon enseignement en 2019. Nous avons été tous les deux sélectionnés pour exposer quatre œuvres en 2019 au prestigieux salon « Pastel en Yvelines ». Quelle autre plus belle récompense que de voir son frère armé de seulement trois années de pastel dans les doigts se retrouver artiste invité au Chesnay ?
Aujourd’hui, comment vivez-vous cette aventure picturale ?
Pascal : l’alchimie de l’amour de deux frères exerce un pouvoir sans limites dans la création artistique. Chaque année, nous repartons en juillet sur les terres de notre enfance, dans l’Allier, pour peindre sur le motif la campagne, la fantasque Besbre, rivière aux mille tons et les sous-bois aux lumières changeantes, presque insensées.
Arnaud : je suis soucieux de la logistique et toujours au top pour faire la check-list de l’aventure : un saucisson, un pâté persillé, des chips, du bon pain de campagne et bien sûr quelques bières qui vivront bien peu de temps dans la glacière. Le temps d’exécution d’un tableau, nous connaissons le bonheur de revivre un passé à jamais gravé dans nos mémoires. Nos mains jouent avec les couleurs, nos yeux traquent les multiples subtilités de Dame nature.
Pascal : le soir, sur la terrasse de notre chalet au bord de la Besbre, nous parlons de notre travail et échafaudons de nouveaux projets pour le lendemain. Et je dois bien avouer que bien souvent, en regardant nos tableaux, je constate que l’élève a dépassé le maître.
Arnaud, un dernier mot peut-être ?
Pascal a honoré sa mission ; je vole de mes propres ailes et je suis toujours à l’écoute de ses conseils avisés. Nous avons trouvé chacun notre propre style ce qui n’est vraiment pas évident. C’est un vrai bonheur de partager cette passion.
Pascal, je te laisse le soin de conclure ce bel échange :
Rien de plus à ajouter si ce n’est la merveilleuse et si pertinente citation de Degas
«La peinture c’est très facile quand vous ne savez pas comment faire. Quand vous le savez, c’est très difficile».